«Je suis anti-capitaliste» car «antilibéral ne veut pas dire grand’chose», déclare Arlette Laguiller dans Libération. Pour le coup Arlette me paraît faire preuve de subtilité dans un pays où le mot libéral n'existe plus qu'en tant que néo ou ultra.
Etonnant sort pour ce mot, qui aux Etats-Unis est synonyme de lutte contre la peine de mort, droit à l'avortement, laïcité et progrès social en général: Les libéraux sont à gauche de l'échiquier politique nord-américain. Et le libéralisme ne s'y oppose pas à l'anti-libéralisme ou l'anticapitalisme cher à Arlette, mais au capitalisme brut des Républicains.
C'est, nous explique Daniel Cohen dans un article du Monde (12 avril) qu'il faut distinguer les deux acceptions du mot "libéralisme" au sens culturel (une idéologie plutôt fondée sur la tolérance et les libertés publiques) et économique (la fameuse doctrine du "laissez-faire").
Notre gauche, selon Daniel Cohen, est libérale culturellement et antilibérale économiquement. Pour la droite c'est l'inverse. Le FN est antilibéral dans tous les sens du terme. Le centre serait libéral tant économiquement que culturellement (le parti des "bobos", post-soixante-huitards convertis au réalisme économique) .
La classification a le mérite d'éclaicir le positionnement de notre classe politique. Mais elle me semble un peu réductrice car elle mélange encore libéralisme et capitalisme. Or le libéralisme me semble presque aussi éloigné de la vision économique traditionnelle de notre droite gaulliste que de l'antilibéralisme d'Arlette. Car contrairement à l'image d'Epinal, le fondement idéologique du libéralisme est radicalement à l'opposé des politiques nationalistes protégeant des champions nationaux et érigeant les grandes entreprises en modèles économiques. Au contraire. Traquant sans cesse ce qui pourrait fausser la concurrence "pure et parfaite" dans un marché de consommateurs parfaitement libres et informés, le libéralisme est incompatible avec des montages industriels visant à dissuader toute concurrence. Incompatible avec corporatismes et lobbies qui déséquilibrent l'équité de traitement entre acteurs économiques. Et surtout incompatible avec toutes formes de corruption, de népotisme ou de favoritisme, non pas pour des motifs moraux mais parce qu'elles ne permettent pas la meilleure performance économique. Bref, le libéralisme censé être aux antipodes d'un capitalisme d'Etat.
Prenons la Commission Européenne par exemple. Symbole suprême du libéralisme dénoncé par tous les partis de droite comme de gauche en France, elle est perçue à l'inverse comme une dangereuse réminescence de gauche (sic!) dans certains pays de l'ex-bloc communiste. L'opinion publique polonaise voit dans ses réglementations pour la protection du consommateur, contre les abus de position dominante, pour la transparence des comptes, etc. autant d'exigences bureaucratiques d'un autre âge. Etonnant et éclairant sur le malentendu français autour du mot libéralisme...
A consulter: un article (un peu théorique) sur la différence entre libéralisme et capitalisme, sur le site d'Alternative libérale, le seul parti se réclamant du libéralisme en France...