jeudi 27 octobre 2011

Les abeilles ça déménage! (2/2)


Part 2: l'essaim, un cerveau virtuel?
On compare souvent les sociétés d’insectes à des “super-organismes” tant leur fonctionnement semble doté d’une vie propre, grâce à l’extraordinaire coordination des bestioles qui les composent. Dans son livre "Gödel Escher Bach", Douglas Hofstadter va un cran plus loin lorsqu'il évoque une fourmilière (Mme de Montfourmi) avec laquelle le fourmilier passe de longues soirées à bavarder, alors que chaque fourmi qui la compose est parfaitement stupide et a même une peur terrible de se faire manger par le fourmilier. "Il me semble, écrit-il, que la situation présente des analogies avec la composition d'un cerveau humain, avec ses neurones. Personne n'oserait soutenir que chacune des cellules du cerveau doit être une entité intelligente pour expliquer qu'une personne puisse avoir une conversation intelligente" (p353).

Si l’on en juge le mécanisme de décision des abeilles en quête d’un nouveau nid dont je vous ai parlé la dernière fois, Hofstadter pourrait avoir vu juste. L’intelligence qui s’en dégage (mesurable à la pertinence des choix) est incomparablement supérieure à celle que pourrait produire une abeille prise individuellement : en deux jours, l’essaim arrive à dégotter le meilleur site à des kilomètres à la ronde puis à se mettre d’accord pour y emménager. Se pourrait-il que l’essaim partage des points commun avec le mode de fonctionnement d’un cerveau de vertébré? C’est l’idée que défend Thomas Seeley.

jeudi 20 octobre 2011

Les abeilles ça déménage! (1/2)

Depuis qu’il est gamin, Thomas Seeley est passionné par les abeilles. Devenu biologiste, il s’est mis en tête de décortiquer la manière dont elles choisissent chaque année leur nouveau nid. Il faut dire que le processus est fascinant: en quelques jours seulement (il faut faire vite car elles n’ont rien à manger!) elles arrivent à dégotter le meilleur site à des kilomètres à la ronde, à se mettre toutes d’accord sur ce choix et à y déménager comme un seul homme. Un miracle d’efficacité à faire pâlir d’envie nos partis politiques, sans aucune centralisation.
Dans son livre “Honeybee Democracy” (uniquement en anglais pour l’instant), Seely propose donc une délicieuse plongée dans la vie d’un chercheur en abeillologie. Chaque étape de sa recherche est présentée comme une énigme qu’il tente de résoudre avec d’astucieuses expérimentations. Une vraie leçon de sciences!

dimanche 9 octobre 2011

L'évolution: un art plastique (part 3)

source ici
Part 3: l'art du pliage moléculaire
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les découvertes de Waddington dans les années 1950 sur les liens étranges entre génétique et environnement n’ont pas vraiment eu d’écho à l'époque. Il faut dire que ça tombait pile au moment où l'on découvrait l’ADN et l’image fascinante de programme génétique orienta durablement la recherche en biologie vers des modèles réductionnistes de type un gène = une enzyme. Richard Lewontin rapporte ainsi (dans la triple hélice) que le biologiste moléculaire Sydney Brenner affirma un jour que “s’il disposait de la séquence d’ADN complète d’un organisme et d’un ordinateur suffisamment puissant, il saurait calculer l’organisme”!
Ce n’est qu’au milieu des années 1990 que l’on s’intéressa de nouveau aux expériences de Waddington. Susan Lindquist  en particulier chercha à comprendre les raisons moléculaires pour lesquelles on observe autant de mutations chez des organismes (animaux ou végétaux) soumis à des stress pendant leur phase de croissance, et leur lien avec l'évolution des espèces. Une recherche tellement fructueuse qu'elle lui valut la médaille nationale de la science en 2010...

dimanche 2 octobre 2011

L'évolution: un art plastique (part 2)

On a vu dans le dernier billet pourquoi l'image de gènes programmant mécaniquement les organismes qui les hébergent est loin de la réalité. L'ADN n'est pas un "programmateur" mais un code passif, que la machinerie cellulaire peut lire de plusieurs manière selon l'environnement chimique de la cellule. Du coup, un même code génétique peut produire des formes morphologiques très altérées en cas de forte perturbation du milieu.
Cette combinaison de robustesse et de plasticité en cas de gros pépin pourrait presque être vue comme une caractéristique du vivant, au même titre que la capacité à se reproduire ou à se développer...

L'assimilation génétique
Si cette idée n'a rien d'évident, c'est que la sensibilité des organismes à l'environnement ne saute pas vraiment aux yeux. Les organismes d'une même espèce se ressemblent plutôt beaucoup et ils ne se transforment pas en mutants garous dès qu'il pleut ou qu'il fait chaud. Dans les années 1940, le biologiste anglais Conrad Waddington eut l’idée que cette relative immuabilité était en réalité due à l’action efficace de mécanismes régulateurs (homéostatiques, comme on dit) qui maintiennent constant le milieu intérieur de la cellule et qui corrigent ou atténuent les erreurs de lecture des gènes.