samedi 19 avril 2008

Les neurones de la musique

Pourquoi aimons nous la musique? Je croyais naïvement au classique refrain de la pure accoutumance culturelle dont la musique est l'exemple parfait, point d'orgue de notre évolution qui cessa un jour d'être génétique pour devenir purement culturelle. Les découvertes récentes en neurologie mettent un bémol à cette vision simpliste...

La musique: un traitement spécifique dans notre cerveau
Contrairement à ce que l'on a longtemps cru, la reconnaissance d'une mélodie semble impliquer des processus cérébraux très distincts de ceux qui traitent le langage ou les bruits en général. Isabelle Peretz, de l'université de Montréal a la première décrit en 2002 le cas de Monica, une femme de 37 ans atteinte d'amusie congénitale. Alors qu'elle ne souffrait d'aucun problème cognitif, d'audition, de mémoire ou de langage et qu'elle avait poursuivi avec succès des études supérieures, Monica était incapable de reconnaître une musique, un tempo ou une chanson. Et pourtant ce n'était pas faute de pression sociale: elle avait été enfant de chœur puis membre d'une chorale, et se rendait compte de son handicap à présent qu'elle venait d'épouser un professeur de musique!

Monica ne pouvait détecter dans une mélodie une fausse note qu'on aurait introduite sciemment ou une faute de rythme. Pourtant elle s'avérait tout à fait capable de reconnaître la voix des présentateurs célèbres ou des bruits familiers comme un aboiement, un klaxon etc. Isabelle Peretz identifia surtout chez cette patiente une incapacité à distinguer finement les petites différences de tonalités. Selon la chercheuse, cette déficience serait la source principale du problème de Monica car cette faculté est fondamentale pour comprendre la "grammaire" musicale d'un morceau."Le système responsable de l’encodage tonal de la hauteur serait un bon exemple de module spécifique à la musique"

Plusieurs circuits neuronaux à l'oeuvre
Toutes les amusies ne se ressemblent pas, selon qu'elles sont d'origine congénitale ou causées par une lésion cérébrale : certains sujets amusiques apprécient correctement le rythme d'une musique, d'autres non. Parfois ils peuvent distinguer la hauteur des notes. Isabelle Peretz a montré sur une jeune femme atteinte d'amusie, qu'elle pouvait discerner en une fraction de seconde si une musique était gaie ou triste alors qu'elle était incapable de reconnaître le moindre morceau connu. Si sur un extrait musical on modifiait le tempo ou le mode (de mineur en majeur), elle percevait facilement le changement émotionnel ainsi créé. Mais si on renouvelait l'expérience en lui demandant cette fois si l'on avait changé la mélodie ou pas, l'exercice -rationnel et non émotionnel- lui paraissait insurmontable.

Ces expériences semblent indiquer que la perception émotionnelle -déclenchée en moins d'une demi-seconde- emprunte des circuits cérébraux assez différents de ceux qui perçoivent et reconnaissent une mélodie (qui demandent plutôt quelques secondes pour réagir). Cette dissociation rappelle celle des personnes atteintes de "prospagnosie": incapables de reconnaître un visage familier elles peuvent sans difficulté juger de l'humeur des expressions faciales (en colère, triste, sévère, gai etc).

Des circuits neuronaux très primaires
Dès les premiers mois -bien avant de maitriser le langage, les bébés sont étonnamment doués pour apprécier un morceau de musique, surtout s'il est diatonique, et pour le reconnaître lorsqu'il est joué plusieurs jours après. Y compris si l'on en change la tonalité ou le rythme, pourvu que l'on en respecte la mélodie. Plus fort encore: les bébés de quelques mois détectent mieux que les adultes non-experts la moindre altération dans la mélodie, qu'elle viole ou non les règles de consonnance habituelles. Comme si l'on naissait doté d'une capacité de discernement musical que l'on perdrait rapidement, exactement comme les enfants perdent en grandissant certaines distinctions phonétiques non utiles pour leur langue natale (entre le "b" et le "v" en espagnol, le "j" et le "ch" en allemand, le "l" et le "r" en japonais...). Les enfants ne retrouvent cette faculté à distinguer les micro-variations consonnantes qu'après un beaucoup d'entrainement à la pratique musicale.

Cette prédisposition innée pour les mélodies de la gamme diatonique se retrouve chez les singes Rhésus. Nos cousins primates sont en effet capables de reconnaître une chanson comme "Old Mac Donald had a Farm"
, même si elle est transposée d'une ou deux octaves, mais curieusement pas si on la déplace d'une demi-octave ou si on teste une mélodie non diatonique.... Bon, il faut rester prudent, rien ne prouve que ces animaux n'ont pas été habitués incidemment à entendre de la musique durant leur captivité et à l'insu des chercheurs, mais ce genre de découverte pose forcément la question de l'inné et de l'acquis dans notre goût pour la musique. Pour certains chercheurs comme Dowling, l'encodage tonal de la évoqué par Peretz plus haut, "en plus d'être spécifique à la musique, représente des mécanismes universels. Bien que les gammes diffèrent d'une culture à l'autre, elles possèdent toutes des propriétés communes. Par exemple la plupart des gammes sont organisées autour de 5 à 7 tons". Inutile de préciser que ces thèses sont loin de faire l'unanimité.

Sex drug and Rock n'roll

La Bamba vous donne-t-elle envie de vous trémousser compulsivement?
Evidemment chacun réagit différemment à une musique selon ses préférences, sa culture etc.mais il n'en reste pas moins que globalement dans toutes les cultures les rythmes rapides, graves et forts sont toujours plus entrainants. Roberto Zatorre, de l'université Mc Gill, a cherché à comprendre cet effet d'entrainement physiologique qui fait que l'on ressent un frisson dans le dos quand on écoute certaines musiques, que sa respiration et son pouls s'accélèrent etc. "Les structures sollicitées sont très semblables aux régions cérébrales qui, chez le rat, s'activent lorsqu'on le soumet à des stimulations sexuelles ou qu'on lui sert de la nourriture alors qu'il a très faim, explique Zatorre. Ce sont des aires cérébrales qui sont impliquées dans des actions que l'on voudra répéter en raison du plaisir et de la satisfaction qu'elles nous procurent". En bref un cocktail d'ocytocine qui permet d'accéder parfois à des états de transe ou d'extase.

Une hypothèse pour expliquer ce phénomène serait que la musique serait directement relayée par un système de neurones miroirs, les mêmes que l'on avait déjà évoqués dans ce blog comme étant les neurones de l'imitation de ce que l'on voit. Imitation qui en retour est à la source d'émotions et donc de l'empathie. Pour la musique on peut imaginer -rien n'est prouvé- que ces mêmes neurones miroirs, convertissent directement l'impression sonore en réactions physiques exprimées ou non, qui en retour provoquent de fortes émotions. A l'appui de cette supposition, Zatorre a montré que lorsque l'on se souvient d'une chanson, ces aires motrices du cerveau sont activées exactement comme si l'on utilisait inconsciemment nos cordes vocales pour la chanter intérieurement.
Plus récemment, on vient de découvrir que chez le bruant des marais, un petit oiseau d'Amérique du Nord, ces neurones miroirs s’activent à la fois quand l’oiseau entend une chanson d'un congénère et quand il chante la même chanson, lui permettant de s'accorder parfaitement au chant qu'il entend. Ca ne me surprendrait pas que l'on ne découvre bientôt chez l'homme une activation de ces neurones miroirs quand nous écoutons de la musique.

La musique, mimétisme fondateur de nos sociétés primitives?
Bon, tout ça c'est bien beau mais ça n'explique pas pourquoi l'homme a développé toutes ces aptitudes biologiques pour la musique. Nous sommes en effet capables de détecter les plus subtiles nuances de fréquences (un quart de ton), alors que cette faculté ne nous sert à rien pour le langage dont les variations de ton sont deux à trois fois moins fines qu'en musique. Et dans ce domaine nous surclassons largement tous les autres mammifères (à l'exception des chauve-souris) y compris ceux qui, comme le chat, ont une ouïe très fine - mais pas très subtile manifestement. La culture n'explique pas tout puisque cette capacité est à peu présente dès les premiers mois chez le nourrisson.

L'une des hypothèses pour expliquer cette adaptation évolutive étrange spécule sur les effets très forts de la musique sur la cohésion sociale. La musique est en effet une des rares sollicitations extérieure à l'individu qui exige à la fois synchronisation individuelle (entre ses gestes, et sa voix par exemple), et collective entre joueurs de musique, chanteurs d'un chœur ou danseurs. L'émotion dégagée par
cette synchronisation collective, l'impression de communion qui s'en dégage resserent puissamment les liens de la communauté.et aurait pu jouer un rôle important dans la socialisation de nos ancêtres hominidés. La musique comme origine mimétique de nos société, voilà qui plairait à René Girard...


Quelques sources intéressantes:
Isabelle Peretz, Neuron (2002) ; Cognition, (1998)
Peretz et Lidji, Revue de Neuropsychologie (2006)
Sandra Trehub, Nature, 2003
Robert Zatorre, Nature, 2005
Pauline Gravel, Le devoir, 2002
Lechevalier, Platel et Eustache,
Le cerveau musicien

dimanche 13 avril 2008

Calculs de stats, stats de calculs

D'après vous, si un fait est statistiquement vérifié sur chaque moitié d'une population, l'est-il obligatoirement sur la population tout entière? Vous êtes sûrs? Pour en avoir le coeur net, entrons dans un bureau de la CNAM et écoutons le dialogue (imaginaire je précise) entre un financier et un professeur d'urologie:

- Mon cher professeur, je viens de recevoir l'analyse statistique du traitement des calculs rénaux dans votre service. Regardez: contrairement à ce que vous m'aviez affirmé, les utra-sons sont en moyenne de 3 points plus efficaces que le traitement chirurgical... Vu la différence de coût, j'envisage sérieusement de diminuer les remboursements de ces actes chirurgicaux.
- Vous plaisantez j'espère? Sur les gros calculs les ultra-sons ratent pratiquement une fois sur deux alors qu'en opérant on arrive à 65% de réussite!
- Ecoutez, peut-être... je ne connais pas le détail. Mais ça représente combien de cas, ces gros calculs?
- La moitié des cas...
- Bon mais ça veut juste dire que sur les petits calculs rénaux les opérations chirurgicales sont totalement inefficaces: on va faire beaucoup d'économie en les déremboursant.
- Mais pas du tout! Pour les petits calculs rénaux c'est pareil: on est à 83% de réussite en chirugie, contre 80% pour les ultra-sons. Simplement on préfère traiter ces cas plus bénins par ultra-sons parce qu'à ces niveaux de réussite ça ne vaut pas la peine d'opérer!
- Vous ne pouvez pas me soutenir que le traitement chirurgical est plus efficace à la fois sur les petits calculs et sur les gros! Ça voudrait dire que c'est plus efficace globalement. Et regardez vous-même: j'ai la preuve formelle qu'au contraire l'ultra-son est plus efficace en moyenne!
- Je ne comprends rien à vos statistiques. Tout ce que je peux vous dire c'est qu'opérer est plus efficace médicalement parlant, même si en pratique on n'opère que les cas les plus graves. Et dérembourser ce type d'acte serait criminel.
- Tout ce que je vois, moi, c'est que les ultra-sons sont moins coûteux et plus efficaces en moyenne. Cela me paraît une mesure de bon sens que de commencer par diminuer le remboursement des opérations.

Et le professeur sort du bureau en fulminant contre cet incapable de bureaucrate avec ses maudites statistiques.


Cette situation vous paraît invraisemblable? Elle est en réalité tout à fait plausible. Statistiquement parlant bien sûr, j'ignore évidemment tout des calculs rénaux - c'est heureux- et de l'efficacité comparée de leurs thérapies. Voici un exemple d'une telle statistique étrange, où notre financier et notre médecin auraient tous les deux raison dans leur raisonnement:






L'intervention chirurgicale est toujours plus efficace sur les petits comme sur les gros calculs, mais très paradoxalement son efficacité moyenne est inférieure à celle des ultra-sons! Deux facteurs expliquent cette étrange inversion des résultats:
- les taux de succès très différents des traitements entre petits et gros calculs (60% contre 80% en moyenne)
- les tailles des populations concernées (peu d'opérations sur les petits calculs, peu d'ultra-sons sur les gros).

Cette inversion statistique entre le résultat global et celui de chacune de ses parties est le paradoxe de Simpson, qui a illustré en 1951 un phénomène décrit cinquante ans avant par le statisticien George Yule.

Mais revenons à notre situation imaginaire. Il est fascinant d'observer que c'est précisément parce que l'opération est peu pratiquée sur de petits calculs (car trop lourde pour en valoir la peine) que son efficacité moyenne est diminuée. Mais si! Regardez: supposons un instant que les urologues se contre-fichent du coût de l'intervention chirurgicale et opèrent à tour de bras tous les calculs petits ou gros, au mépris du bon sens médical et économique. On obtiendrait la statistique suivante:







Dans cette situation, l'intervention chirurgicale serait plus efficace dans tous les cas de figure et notre financier n'aurait rien trouvé à y redire! Autrement dit c'est parce les urologues ont déjà intégré la notion d'efficacité que le système semble inefficace et dispendieux! Du coup, on conçoit aisément que les médecins puissent être incités à faire sciemment de mauvais choix médicaux et financiers pour être irréprochables statistiquement.

Un dénouement plus optimiste est également envisageable: si notre financier diminue drastiquement le nombre d'interventions chirurgicales en les déremboursant, l'efficacité du traitement des calculs rénaux chutera rapidement. Un autre financier tolérera alors (peut-être!) un meilleur remboursement des opérations chirurgicales pour redresser la barre sur ce dossier et l'histoire pourra éventuellement recommencer...


Et voilà comment, de l'union d'un paradoxe statistique très présentable et d'une bureaucratie aux pures intentions, peut naître une absurdité sociologique vertigineuse...

mercredi 9 avril 2008

Golden rules du manager successful

Vous vous morfondez dans votre boulot, vos talents injustement méconnus et votre mérite incompris? L'impatience vous taraude de pouvoir escalader quatre à quatre les escaliers du succès dans votre entreprise? Voici quelques conseils tirés directement de mon observation directe, très subjective et incomplète de quelques Rastignacs particulièrement doués en la matière.

1) Vous êtes EXCELLENT. Toujours
Tout ce que vous faites, avez fait ou vous apprêtez à faire est simplement époustouflant. Vous en êtes tellement convaincus que vous parlez souvent de vos propres réalisations avec un mélange subtil d'admiration et d'humour. Vous n'évoquez bien jamais vos doutes, ni vos erreurs - bien entendu puisque vous ne vous êtes trompé sur rien. Jamais. Ca vous épate vous-même.

2) Heureusement que vous êtes là.

Vous êtes personnellement directement ou indirectement à l'initiative de
tout ce qui s'est fait de bien dans votre entreprise. Même si ça s'est passé dans une autre direction que la vôtre, laissez entendre que vous n'y êtes pas pour rien (et oui c'était votre idée!), sans rentrer dans les détails car il faut rester modeste. A l'inverse, toutes les erreurs stratégiques (toujours en dehors de votre périmètre de responsabilité, puisque chez vous tout va bien selon la règle 1) ont été commise malgré vos mises en garde répétées: vous aviez anticipé exactement les conséquences néfastes de ces initiatives mais on ne vous a pas écouté.

3) Vos très rares et très minimes difficultés avaient été anticipées et sont déjà presque surmontées.

Le meilleur moyen de ne pas devoir s'expliquer sur ses performances médiocre consiste simplement à ne pas en parler. Consacrez votre temps et votre énergie à vanter ce qui fonctionne bien, glosez sur vos succès, insistez sur vos bonnes performances, il faut que ça se sache!
Si malgré tout vous devez évoquer quelques mauvais résultats (pardon, vos "axes d'amélioration") prenez de la hauteur et rassurez votre patron. Vous maîtrisez parfaitement la situation:

- Ces difficultés ne sont bien entendu pas de votre fait, mais liées au contexte affreusement hostile. Vous opérez sur un marché particulièrement retors, avec la Terre entière contre vous: les services supports dont vous dépendez, vos concurrents -malhonnêtes, forcément- bénéficient de complicités partout dans le pays.

- Vous aviez bien entendu complètement anticipé ces difficultés et pris depuis longtemps les mesures adaptées. Inventez de toutes pièces des plans d'action sophistiqués pour y remédier et étayez avec des initiatives réellement prises -même si elles n'ont rien à voir avec le sujet- qui permettront de consolider votre crédibilité.

4) Réinventez l'Histoire

Lorsque malgré vos valeureux plans de redressement, vos résultats tardent à se redresser, soyez audacieux: inversez l'ordre des choses, les causes avec les conséquences. Cette pirouette vous permettra souvent de renverser la situation en votre faveur. Ce n'est pas parce que vous avez maladroitement changé de fournisseur sans précaution que vos délais ont explosé, c'est au contraire parce qu'ils commençaient à déraper (probablement parce qu'on ne vous avait pas laisser en changer plus tôt) que vous avez enfin réussi à changer de fournisseur. Si vos parts de marché s'écroulent, ce n'est pas du tout lié au lancement raté de votre nouveau produit: c'est en anticipation de cette baisse que ce nouveau produit miracle a été introduit et qu'il promet des lendemains qui chantent.
En révisant le sens de l'Histoire vous pourrez en général expliquer tout et n'importe quoi. Et comme vous maîtrisez la chronologie des événements mieux que personne, vous êtes à l'abri des critiques pour un temps.
Passé le délai critique où ces pirouettes ne prennent plus, changez de fonction ou d'entreprise. Votre successeur sera rapidement le responsable du chaos que vous aurez laissé en partant.

5) Pas de micro-management

Avec vos collaborateurs n'entrez pas dans le détail de leur fonction: éviter le "micro-management" est votre principe sacré. Il vous dédouane de toute implication managériale vis-à-vis d'eux, c'est pratique. Laissez-les se débrouiller avec leurs problèmes. S'ils échouent ce sera leur faute. S'ils réussissent, ce sera grâce à votre sens de la délégation. Ne vous mêlez pas de leurs problèmes d'organisation, lorsque deux services s'affrontent ouvertement ou dupliquent chacun la même fonction: laissez mijoter ces antagonismes: le meilleur gagnera, qui vous sera acquis pourvu que vous ayez pris le soin de cajoler tout le monde.

6) Janus avec vos collaborateurs

Soyez toujours bienveillants avec eux. Concentrez toute votre attention managériale à leur accorder discrètement quelques faveurs personnelles et de bonnes primes (si vous pouvez) pour les
obliger vis-à-vis de vous. Un peu de népotisme vous permettra de compter plus tard sur ces zélés avocats de votre action.
Par contre à l'extérieur, plaignez-vous amèrement de l'incompétence et du manque de discernement de vos collaborateurs. Heureusement que vous êtes là pour rectifier en permanence leurs initiatives malheureuses et impulser l'activité dans le bon sens... D'ailleurs, les quelques (très rares) maladresses commises chez vous l'ont été de leur fait, à votre insu et souvent contre votre avis.

Evitez de vous entourer de collaborateurs trop brillants qui risqueraient de vous faire de l'ombre. Choisissez-les
gris de préférence: compétents et peu à l'aise en public. En comparaison, vous n'en aurez que plus de facilité pour briller en public.

7) A l'avant-poste des batailles déjà gagnées
Ne prenez de positions très claires - sur l'évolution du marché, une technologie, la stratégie de votre entreprise - que sur les sujets déjà tranchés et les causes entendues: on ne vous prendra pas de sitôt en flagrant délit d'ineptie. Soyez l'apôtre des évidences, de la parole du chef ou des consensus en vigueur dans votre entreprise, mais martelez-les comme s'il s'agissait d'idées neuves et révolutionnaires qui vous sont propres et que vous assumez envers et contre tous.

Ne perdez pas une occasion de présenter en public des success stories, la vôtre bien sûr (puisque vous êtes à l'origine de toutes celles de votre entreprise). Séminaire, conférence, roadshows: ne perdez pas une occasion de mettre en avant votre charisme, votre esprit brillant et votre réussite. Vous incarnez le succès, la vision clairvoyante, l'exécution impeccable et il faut que cela se sache.

8) En retrait des mauvais coups.

Sur les dossiers difficiles délayez, différez, restez évasifs. Déléguez à vos collaborateurs: s'ils échouent, ce sera parce qu'ils n'auront pas écouté vos conseils. S'ils réussissent ce sera grâce à votre savoir-faire de coach.


Si vous devez défendre un dossier, solliciter une décision, faire arbitrer une demande d'investissement etc., laissez un collaborateur le présenter en avant-poste. Vous éviterez ainsi d'être en première ligne sur un dossier risqué. Durant la réunion, rangez-vous rapidement du côté du vent: celui de votre collaborateur si le dossier fait consensus, en vous posant comme le sponsor de ce sujet, n'hésitant pas à mettre en avant un de ses collaborateurs. Si au contraire, la polémique fait rage mettez-vous en retrait: votre collaborateur avait sans doute mal préparé son dossier malgré tous vos conseils.


7) Le magic touch: parlez globish
Emaillez vos propos de termes vaguement anglais. Plutôt que de rattraper le retard pris sur le budget en améliorant les processus, boostez plutôt le crash program de reengineering des process en les mapant sur des benchmarks, pour combler le gap du R/O...

Avantage annexe: personne ne vous en voudra si vous faites des fautes d'orthographe.


Vous voilà parés pour la prise du pouvoir par sa face Nord. A vous de jouer!