samedi 26 novembre 2011

Déménagement!


Le Webinet déménage et va s'installer sur le tout nouveau Café des sciences qui fait peau neuve et de simple fédération de blogs devient une véritable plate-forme d'hébergement de blogs pour ses membres mais aussi pout tous ceux qui souhaite y ouvrir un blog dans la catégorie "invités".

Je vous invite donc à me retrouver à ma nouvelle adresse et si vous êtes abonné n'oubliez pas de changer votre flux RSS pour celui-ci. Un premier billet vous y attend, qui revient sur les rapports mystérieux entre vitesse de la lumière et voyage dans le temps!http://webinet.cafe-sciences.org/

jeudi 3 novembre 2011

Super-organismes

L’idée que les sociétés d’insectes comme les fourmis, les termites ou les abeilles sont comparables à des “super-organismes” n’est pas neuve. Dès 1926 le biologiste William Wheeler remarquait que la coopération entre les membres d’une colonie d’insecte est si poussée qu’elle la dote de tous les attributs d’un être vivant. Exactement comme un organisme constitué de cellules ayant chacune une vie propre, ne prend “corps” que grâce à l’extrême degré de coopération entre ces cellules. Mes histoires d’abeilles qui choisissent un nid m’a permis de mesurer à quel point dans un cas comme dans l’autre, le fonctionnement émergent n’a souvent pas grand rapport avec celui de ses constituants de base...

jeudi 27 octobre 2011

Les abeilles ça déménage! (2/2)


Part 2: l'essaim, un cerveau virtuel?
On compare souvent les sociétés d’insectes à des “super-organismes” tant leur fonctionnement semble doté d’une vie propre, grâce à l’extraordinaire coordination des bestioles qui les composent. Dans son livre "Gödel Escher Bach", Douglas Hofstadter va un cran plus loin lorsqu'il évoque une fourmilière (Mme de Montfourmi) avec laquelle le fourmilier passe de longues soirées à bavarder, alors que chaque fourmi qui la compose est parfaitement stupide et a même une peur terrible de se faire manger par le fourmilier. "Il me semble, écrit-il, que la situation présente des analogies avec la composition d'un cerveau humain, avec ses neurones. Personne n'oserait soutenir que chacune des cellules du cerveau doit être une entité intelligente pour expliquer qu'une personne puisse avoir une conversation intelligente" (p353).

Si l’on en juge le mécanisme de décision des abeilles en quête d’un nouveau nid dont je vous ai parlé la dernière fois, Hofstadter pourrait avoir vu juste. L’intelligence qui s’en dégage (mesurable à la pertinence des choix) est incomparablement supérieure à celle que pourrait produire une abeille prise individuellement : en deux jours, l’essaim arrive à dégotter le meilleur site à des kilomètres à la ronde puis à se mettre d’accord pour y emménager. Se pourrait-il que l’essaim partage des points commun avec le mode de fonctionnement d’un cerveau de vertébré? C’est l’idée que défend Thomas Seeley.

jeudi 20 octobre 2011

Les abeilles ça déménage! (1/2)

Depuis qu’il est gamin, Thomas Seeley est passionné par les abeilles. Devenu biologiste, il s’est mis en tête de décortiquer la manière dont elles choisissent chaque année leur nouveau nid. Il faut dire que le processus est fascinant: en quelques jours seulement (il faut faire vite car elles n’ont rien à manger!) elles arrivent à dégotter le meilleur site à des kilomètres à la ronde, à se mettre toutes d’accord sur ce choix et à y déménager comme un seul homme. Un miracle d’efficacité à faire pâlir d’envie nos partis politiques, sans aucune centralisation.
Dans son livre “Honeybee Democracy” (uniquement en anglais pour l’instant), Seely propose donc une délicieuse plongée dans la vie d’un chercheur en abeillologie. Chaque étape de sa recherche est présentée comme une énigme qu’il tente de résoudre avec d’astucieuses expérimentations. Une vraie leçon de sciences!

dimanche 9 octobre 2011

L'évolution: un art plastique (part 3)

source ici
Part 3: l'art du pliage moléculaire
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les découvertes de Waddington dans les années 1950 sur les liens étranges entre génétique et environnement n’ont pas vraiment eu d’écho à l'époque. Il faut dire que ça tombait pile au moment où l'on découvrait l’ADN et l’image fascinante de programme génétique orienta durablement la recherche en biologie vers des modèles réductionnistes de type un gène = une enzyme. Richard Lewontin rapporte ainsi (dans la triple hélice) que le biologiste moléculaire Sydney Brenner affirma un jour que “s’il disposait de la séquence d’ADN complète d’un organisme et d’un ordinateur suffisamment puissant, il saurait calculer l’organisme”!
Ce n’est qu’au milieu des années 1990 que l’on s’intéressa de nouveau aux expériences de Waddington. Susan Lindquist  en particulier chercha à comprendre les raisons moléculaires pour lesquelles on observe autant de mutations chez des organismes (animaux ou végétaux) soumis à des stress pendant leur phase de croissance, et leur lien avec l'évolution des espèces. Une recherche tellement fructueuse qu'elle lui valut la médaille nationale de la science en 2010...

dimanche 2 octobre 2011

L'évolution: un art plastique (part 2)

On a vu dans le dernier billet pourquoi l'image de gènes programmant mécaniquement les organismes qui les hébergent est loin de la réalité. L'ADN n'est pas un "programmateur" mais un code passif, que la machinerie cellulaire peut lire de plusieurs manière selon l'environnement chimique de la cellule. Du coup, un même code génétique peut produire des formes morphologiques très altérées en cas de forte perturbation du milieu.
Cette combinaison de robustesse et de plasticité en cas de gros pépin pourrait presque être vue comme une caractéristique du vivant, au même titre que la capacité à se reproduire ou à se développer...

L'assimilation génétique
Si cette idée n'a rien d'évident, c'est que la sensibilité des organismes à l'environnement ne saute pas vraiment aux yeux. Les organismes d'une même espèce se ressemblent plutôt beaucoup et ils ne se transforment pas en mutants garous dès qu'il pleut ou qu'il fait chaud. Dans les années 1940, le biologiste anglais Conrad Waddington eut l’idée que cette relative immuabilité était en réalité due à l’action efficace de mécanismes régulateurs (homéostatiques, comme on dit) qui maintiennent constant le milieu intérieur de la cellule et qui corrigent ou atténuent les erreurs de lecture des gènes.

lundi 26 septembre 2011

L'évolution: un art plastique (part 1)

Les débats suscités par mon billet sur la "plasticité du vivant" m'ont donné envie de creuser le sujet et notamment d’explorer la piste évo-dévo suggérée par Taupo IRL. J'ai découvert que cette question de plasticité, loin d'être anecdotique, constitue un des sujets les plus chauds du moment en matière de biologie évolutive et pose un regard nouveau sur le rôle de la génétique. Récit en trois épisodes...

Repartons du schéma géno-centrique...
Aux yeux du grand public qui comme moi a lu (trop vite peut-être) le Gène Egoïste de Dawkins, la théorie synthétique de l’évolution a comme seul point de départ les mutations génétiques aléatoires, dont les effets sur les organismes sont soumis à la dure loi de la sélection naturelle. Dans ce schéma géno-centrique, l’évolution fonctionne à sens unique:


mercredi 7 septembre 2011

Tech-mot-logie

Le langage d’une époque est un bon révélateur de la technologie dominante d’une culture. La nôtre est plutôt agricole. Est-ce par peur de prendre des vessies pour des lanternes ou par souci de de pas mettre la charrue avant les boeufs? Toujours est-il que notre vocabulaire, tiré à hue et à dia par des paysans qui ruent souvent dans les brancards, a longtemps mis tous ses oeufs dans le même panier. Nos métaphores s’écartent rarement des sentiers battus de la paysannerie et ce n’est pas pousser Mémée dans les orties que de constater qu’elles font aujourd’hui encore notre pain quotidien.

Tout ça semblait réglé comme une horloge jusqu’à ce que notre langage prenne le train en marche de la révolution industrielle. Cela dit, pas de quoi péter un boulon (ni une durite ni même un câble), tant cette influence est restée discrète, comme si l’on n’était pas aux pièces pour produire à la chaîne des expressions qui rappelleraient trop l’usine. D’ailleurs la technologie a longtemps puisé dans le gisement du vocable de la nature (une pince-crocodile, un sabot de menuisier, un chien de fusil...) avant de devenir à son tour une référence du langage (beau comme un camion, rapide comme une fusée, compliqué comme une usine à gaz...).

Bizarrement on pourrait presque zapper l’impact de la télévision, qui n’a visiblement pas beaucoup branché notre créativité sémantique, sans que je capte très bien pourquoi. Peut-être était-on trop saturés d’images pour avoir envie d’en inventer de nouvelles avec les mots? Heureusement l’informatique et l’internet sont maintenant là pour rebooter notre inspiration et booster notre vocabulaire. Certes, certains se sentiront spammés d’anglicismes, mais mieux vaut en loler. Si votre système d’exploitation finit par bugger avec toutes ces expressions anglaises, je vous poke ce très joli verbe, qui semble tout droit sorti de chez Rabelais ou Montaigne : plussoyer (ou plusseoir selon certains, il y a débat). Vous n’imprimez pas? Le mot vient de l’usage dans certains forums d’évaluer les commentaires avec +1 pour manifester son accord avec ce qui vient d’être dit. L’équivalent du pouce levé, du “j’aime” sur Facebook... ou du +1 de Google.

Pour une fois la langue française est en avance sur Google! La plus ancienne trace que j’ai trouvée de ce mot date de 2003 (ici) dans un forum privé de fans de Linux. La floraison des réseaux sociaux devrait lui garantir un vrai succès (déjà près d’un million d’occurences pour “plussoie” sur Google) et je lui prédis une entrée dans le dictionnaire d’ici deux ou trois ans max. Il faut dire que ce verbe a le charme de l’ancien. La rumeur a un moment couru sur le net qu’il viendrait du latin plussare, qui aurait signifié “rajouter une plaquette de marbre avec +I gravé dessus, au forum de la cité” (pourquoi un +I, l’histoire ne le dit pas). Inutile de vous mettre en quête de plusso, avi, atum, tr. dans votre Gaffiot, car le terme plussare n’est employé que sur les forums s’interrogeant sur l’origine de plussoyer (96 occurences sur Google, quand même).

En fait, plussoyer, c’est du “faux-vieux”, comme ces meubles à l’ancienne que l’on trouve chez Conforama. Mais lui au moins, il a du caractère. Plus par exemple que le banal verbe “approuver” dont il est synonyme. Mais est-ce vraiment la même signification? Xochipillette me fait judicieusement remarquer que “my plus one” en anglais désigne ma moitié, mon (ma) petit(e) ami(e). Dans les forums anglo-saxons, le code “+1” marque donc autant l’approbation que la sympathie pour l’auteur d’un post. Or curieusement, on retrouve cette dimension affective dans notre “plussoyer” national. Est-ce parce qu’on peut plussoyer quelqu’un, alors qu’on ne peut approuver que ses propos? Je vous laisse méditer sur ce sujet transcendantal, en attendant moi je plussoie violemment cette inventivité lexicale!

jeudi 1 septembre 2011

Plastique la vie!


Source: ici
Avec son fameux exemple du Pouce du Panda, Stephen Jay Gould a rendu célèbre la notion d’exaption: en fait de pouce, il s’agit d’une excroissance osseuse poussée par hasard sur la patte et que le Panda utilise comme un sixième doigt opposable, bien pratique pour effeuiller les bambous et se goinffrer avec les feuilles. L’exaption désigne la capacité qu'ont les êtres vivants à détourner l’usage de leurs propres organes pour les exploiter à leur avantage.

lundi 25 juillet 2011

L'amour du risque

Science Etonnante a fait un très bon billet  comparant l'irrationalité des hommes et celle des singes et pointe du doigt une étrange propriété commune à nos deux espèces.  A gain équivalent en moyenne, on préfère éviter les risques quand on vise une récompense (pour l’instant ça semble normal) mais par un effet étrange de renversement on préfère prendre des risques quand il s’agit de minimiser des pertes.
Le schéma de son blog explique bien ça:

Dans l’expérience 1, les singes préfèrent choisir l’option 1 assurant une pomme supplémentaire à tous les coups plutôt que l’option 2, assurant soit 0, soit 2 pommes supplémentaires.
Dans l’expérience 2, par contre, quand on oblige les singes à perdre des pommes, ils préfèrent l’option 2 qui leur fait perdre tantôt 0, tantôt 2 pommes, plutôt que l’option 1 qui leur en fait une à coup sûr. Autrement dit, il y a “aversion au risque” si l’enjeu est une récompense et “goût pour le risque” quand on cherche à limiter ses pertes.

L’amour du risque est universel!
En cherchant un peu [1], j’ai découvert que la plupart des espèces animales se comportent exactement pareil: des abeilles, des guêpes, des rats, des oiseaux, des poissons etc. L’expérience 1 manipule comme récompenses des trucs à manger en quantités soit fixe, soit variable. L’expérience 2 joue en général sur le temps d’attente de distribution de nourriture (une longue attente est une perte), avec des délais soit fixes soit variables. La plupart des bestioles manifestent une certaine aversion pour les récompenses aléatoires mais une très forte préférence pour les délais variables. Exactement comme nous et nos amis les singes.

Cet étrange reversement des préférences m’a fait penser à la loi de Weber, dont je vous ai déjà parlé ici et .

dimanche 3 juillet 2011

Paroles et musique



En écoutant la dernière chanson de U2, je me faisais la réflexion qu'ils avaient réussi, tout comme les Cranberries, à conserver une certaine tonalité irlandaise malgré le style très international de leurs compositions. Et je me demandais ce qui détermine ainsi le style musical propre à  chaque pays, qu'il s'agisse de la chanson française, du rock espagnol, du raï algérien ou de la musique afro-cubaine.

J'ai fini par trouver une piste intéressante d'explication dans une lettre sur la musique française qu'a écrite Jean-Jacques Rousseau. Il y défendait l'idée que "toute musique national tire son principal caractère de la langue qui lui est propre, et je dois ajouter que c'est principalement la prosodie de la langue qui constitue ce caractère."

dimanche 19 juin 2011

L'imagination incarnée

Je vous ai raconté dans des billets précédents l’intime relation qui existe entre nos sensations physiques et nos jugements intellectuels ou émotionnels sur le monde qui nous entoure. Heureusement qu’il existe des moments où l’esprit échappe à la tyrannie du corps. L’esprit libre, quand je glandouille dans mon lit le dimanche matin et que mes pensées flottent librement. Mais notre imagination peut-elle vraiment se détacher de notre enveloppe charnelle? Sans doute beaucoup moins qu’on ne pourrait le croire...


Simulation ou stimulation?
Essayez de penser au son de la lettre B en formant un O avec les lèvres. Il paraît que c’est plus difficile que si vous aviez la bouche fermée. Marc Jeannerod[1] explique cette bizarrerie par le fait que B étant une consonne labiale, on se représente  mentalement sa prononciation en activant les neurones qui commandent le pincement des lèvres. Garder la bouche ouverte contrarie donc (légèrement) notre facilité à imaginer ce genre de son. Selon cette hypothèse, penser à une action mobiliserait les mêmes neurones que si l’on exécutait l’action pour de bon. La seule différence c’est qu’on garde le pied sur l’embrayage pendant qu’on stimule les neurones de l’action en question. Tiens! Revoici l’idée qu’une inhibition mentale est diablement féconde, puisque dans le cas présent, elle est la recette même de nos facultés d’imagination. 

dimanche 29 mai 2011

Cosmologie fastoche (3/3)

Part 3: à l'assaut du principe anthropique

Source: ici
Récapitulons: L'univers s'est sans doute formé il y a un peu plus de 13 milliards d'années; il est homogène, isotrope et respecte bien les règles de géométrie du genre "la somme des angles des ses triangles fait 180°" et "le périmètre d'un cercle vaut son diamètre fois pi", bref il est "euclidien". Son avenir est de s'agrandir de plus en plus vite et indéfiniment mais on notre univers observable, lui, est de taille finie et constante. L'exploration du passé est bien plus spéculative et pleine de surprises...

Le fonds diffus cosmologique ou pourquoi les métaux sont toujours opaques

Aussi loin qu'on le regarde, l'univers s'étend de plus en plus vite. Si l'on remontait dans le temps, on le verrait donc se contracter de plus en plus et devenir de plus en plus dense et chaud, comme un gaz qu'on comprime dans un piston. Or au-dessus d'une certaine température, vers 3000K environ, le gaz se transforme en plasma, sorte de soupe brûlante dans lequel tous les atomes sont ionisés et où les électrons se promènent librement comme dans un métal conducteur. Et comme le métal, le plasma est complètement opaque à la lumière: tout photon tentant de le traverser est immédiatement absorbé par un électron passant dans le coin. Impossible de voir au travers de la surface du soleil, même avec des filtres sophistiqués, car sa surface est justement à l'état de plasma. Notre jeune univers n'est donc devenu "transparent" que lorsque sa température est passée en dessous de 3000 degrés.

mercredi 18 mai 2011

Cosmologie fastoche (2)

Part2: Comment faire parler l'équation FLRW

Vous savez maintenant comment on trouve l’équation de l’univers (baptisée FLRW du nom de ses découvreurs) en écrivant simplement que l'énergie se conserve dans un univers homogène, isotrope et qui se dilate dans le temps. Mais je ne suis pas sûr que vous éprouviez encore une profonde jubilation intérieure en songeant que H² = (å/a)² = 8πGρ/3 -K/a² où H est la constante de Hubble, a(t) le facteur d'échelle (å sa dérivée), ρ la densité de matière de l'univers et K une constante. Au cas -très improbable- où vous ne voueriez pas un culte fervent à cette formule, il me faut vous en expliquer les merveilleux secrets.

lundi 9 mai 2011

Cosmologie fastoche (1)

Leonard Susskind n'est pas seulement un des grands physiciens du moment, ténors de la théorie des cordes et des "multivers", c'est aussi un extraordinaire pédagogue. En particulier son cours de cosmologie (disponibles en podcast) est un petit bijou de vulgarisation. Cette semaine voici par exemple comment il retrouve l'équation de l'univers (rien que ça!) en n'utilisant que des notions de physique classique (niveau Lycée).

Chapitre 1: l'équation de l'univers

L'histoire commence au début des années 1920, lorsque l'astronome Edwin Hubble découvre avec les tout nouveaux téléscopes de l'époque, que ce que l'on appelait des nébuleuses (celle de Trifide à gauche) correspondaient en réalité à d'autres galaxies que la nôtre, à des centaines de millions d'années lumière de nous.