vendredi 28 mai 2010

Les certitudes de l'incertitude

Avez-vous remarqué la connotation négative de tous les termes qui ont trait au hasard? "L'aléa" est synonyme de mauvaise surprise, comme le "risque" d'ailleurs. "Hazardous" signifie dangereux en anglais et en français tout ce qui est "hasardeux" n'a pas franchement la cote non plus. Il faut croire qu'on n'est pas très à l'aise avec l'incertitude en général. Mais comme il faut bien faire avec, on tente de domestiquer les phénomènes aléatoires en les réduisant à leur moyenne, agrémentée de leur "écart-type" si on veut faire pro (qui indique la dispersion typique des mesures autour de la moyenne). Et l'on se représente mentalement la série des valeurs aléatoires gentiment dispersée autour de la moyenne et de plus en plus rares à mesure qu'on s'en éloigne. Cette distribution dite "normale" (les mots ne sont pas neutres) est la fameuse courbe en cloche de Gauss, extraordinairement pratique, mais qui nous induit souvent en erreur comme on va le voir...

Tapons-nous la cloche

La fréquence des tailles au sein d'une population adulte donne une bonne idée de l'allure d'une telle distribution:

Dans ce type de distribution règne la tyrannie de la moyenne:
- l'immense majorité de l'échantillon se concentre autour de la moyenne, à la pointe de la cloche: 68% des valeurs sont à moins d'un écart-type de la moyenne (entre 1m75 et 1m90 dans notre exemple);
- la proportion des valeurs extrêmes diminue exponentiellement quand on s'éloigne de la moyenne: il y a une chance sur un milliard de tomber sur un géant de plus de 2m30.
Les extrêmes sont donc à la fois modérés, rares et de peu d'influence. La loi des grands nombres prédit que la moyenne mesurée à partir de n'importe quel (grand) échantillon donne une très bonne approximation de la moyenne théorique, car aucun individu de l'échantillon n'aura un poids suffisant pour biaiser significativement la mesure. Dans ce Médiocristan comme l'appelle Nassim Nicholas Taleb [1] figure la statistique de l'âge d'une population, du nombre de côtés "pile" quand on lance une pièce de monnaie, du nombre de personnes par foyer, etc.

Pareto: voyage dans le royaume de l'Ekstremistan
En étudiant la répartition des richesses de la population italienne à la fin du XIXeme siècle, Vilfredo Pareto découvrit une tout autre distribution aléatoire, où 20% de la population gagne 80% des revenus d'un pays. Depuis cette époque, les 20% les plus riches gagnent plutôt 40% des revenus en France et aux Etats-Unis parce que les inégalités se sont un peu réduites (ou est-ce parce que les revenus déclarés au fisc reflètent mal la valeur réelle des hauts revenus? ;-) mais on continue d'appeler ça la loi des 80-20:
source: d'après le site de Daniel Martin

Ce type de distribution "sauvage" comme l'appelle Benoît Mandelbrot, a cours dans beaucoup de domaines, comme ceux qu'on trouve par exemple sur le site de Gérard Villemin:
- Moins de 1% des loueurs de voitures comptent pour plus de 25% des heures de location;
- 30% des sites Web concentrent 90% des visites;
- 17% de la population mondiale (celles des pays riches) consomment 80% des médicaments etc.

- En biologie les insectes représentent un million des 1 800 000 espèces décrites à ce jour, suivis de loin par les plantes supérieures (270 000) qui elles-mêmes devancent les mollusques (85 000). Mais tout ça n'est rien par rapport aux bactéries qui battent à plate couture toutes les autres formes de vie sur l'arbre du vivant (sur la figure empruntée à Wikipédia, les bactéries sont en bleu) et représenteraient plus de la moitié de la biomasse sur Terre!

La loi des grands nombres: abrogée!
Ici, c'est l'inverse du Médiocristan. Les valeurs extrêmes sont certes rares, mais elles sont tellement spectaculaires que leur présence n'est plus du tout négligeables sur la moyenne. Prenez par exemple la taille des 36 500 communes en France métropolitaine: 1722 habitants en moyenne. Si vous écartez les valeurs extrêmes des 113 villes de plus de 50 000 habitants, votre moyenne tombe à 1324 habitants! 0,35% des données pèsent donc pour 25% de la moyenne. Plus question donc d'appliquer la loi des grands nombres car vous avez de grandes chances que votre échantillon ne soit pas bien représentatif des valeurs extrêmes. Idem pour l'écart-type.

Je me suis amusé à regarder l'historique du Nasdaq depuis 1971 (les données sont téléchargeables ici). Les différences sautent aux yeux quand on compare la distribution des fluctuations quotidiennes du Nasdaq avec celles d'une Gaussienne ayant la même moyenne (0,27) et le même écart-type (27):

1) Les très grandes fluctuations, sur lesquelles j'ai fait un zoom, sont beaucoup plus fréquentes. Il y a eu 64 jours "noirs" où l'indice a chuté de plus de 108 points (4 écarts-types), soit une chance sur 150. Si la distribution était "normale", il aurait fallu attendre plus de 10 ans pour qu'une telle chute se produise (une chance sur 31 000)! L'allure de la queue de la courbe de distribution est donc beaucoup plus "épaisse" que pour une courbe gaussienne, d'où son surnom de "fat tail"...
Pour donner une idée de l'impact de ces journées de folie: depuis quarante ans le Nasdaq a oscillé entre 5060 points (valeur maximale en mars 2000) et 54 (valeur minimale en octobre 1974). Or les 11 jours les plus chahutés de l'histoire du Nasdaq représentent à eux tout seuls une variation cumulée de plus de 3000 points, soit 60% de la variation nette globale!

2) A l'autre bout de l'échelle, il y a beaucoup plus de jours en Bourse où il ne se passe rien du tout ou presque: 2000 jours sans aucune variation là où une Gaussienne n'en compterait que 150. A tel point que j'ai dû raboter le haut de l'échelle des ordonnées pour qu'on puisse voir le reste de la courbe. Paradoxalement, on s'ennuie beaucoup plus fréquemment en Ekstremistan! Les évolutions se passent un peu au rythme d'une veste qu'on ouvre en écartant ses pans, sans prendre le soin de la déboutonner: de longues périodes d'immobilité succèdent à de violents a-coups, chaque fois qu'il y a un bouton à passer.

Avec tout ça, on comprend qu'il soit aussi difficile de faire la moindre prédiction sur la Bourse en extrapolant à partir des valeurs passées. La distribution normale sur laquelle s'appuient encore bon nombre de modèles financiers est manifestement peu adaptée à des évolutions aussi chaotiques.

Hasard fractal...
Ces distributions extrêmes ont une autre caractéristique: leurs règles étranges sont valables quelque soit l'échelle à laquelle on les regarde. Pour reprendre l'exemple des communes, 23% de la population est concentrée dans 0,34% des communes (les 113 plus grandes villes), mais cette hyperconcentration se vérifie aussi dans la taille des 60 plus grandes villes dont 40% de la population se concentre sur les 6 premières. Et Paris pèse à lui tout seul près de la moitié de ces 6 mégapoles.

Idem pour le Nasdaq, dont l'évolution est étrangement similaire, qu'on l'observe sur 15 ans ou sur 12 mois:

Qui dit invariance d'échelle dit...fractales! Alors que dans une distribution gaussienne, les variations deviennent imperceptibles dès qu'on prend de la hauteur, il n'en est rien pour ces distributions qui conservent la même apparence très irrégulière quelque soit l'échelle à laquelle on les regarde (2).

La raison profonde au fait que la règle des 80-20 reste vraie à toutes les échelles, tient à ce qu'il y a dans toutes ces distributions un effet de renforcement pour les valeurs extrêmes, du type "le gagnant rafle tout": la richesse appelle la richesse (pour la répartition des revenus), la notoriété renforce la notoriété (pour le trafic sur le Web), les grandes villes attirent la population et la Bourse est connue pour ses comportements moutonniers en période de panique ou d'euphorie.

Quand l'ordre dicte la taille...
On a déjà rencontré cette invariance d'échelle dans ce billet sur la loi de Benton: elle suppose que la distribution suive une loi de puissance de type p(x≥h)=h, α étant un paramètre fixe. Lorsque cette distribution concerne des phénomènes que l'on peut classer par ordre de grandeur (la longueur des fleuves par exemple), il existe toujours une relation directe entre le rang et la dimension du phénomène. Le phénomène numéro r aura une dimension proportionnelle à (K/r)1/α, K et α étant des constantes caractéristiques de cette distribution.
[Pour les matheux-curieux: si la probabilité qu'un phénomène x ait une amplitude ≥ h vaut p(x≥h)= h alors sur un échantillon de grande taille K, le nombre de phénomènes de taille ≥ h vaut Kh
Un phénomène d'amplitude h aura donc le rang r=Kh
Le phénomène de rang r aura donc pour taille h=(K/r)1/α ]

Un tas de phénomènes naturels ou sociaux vérifient ce lien géométrique entre classement et amplitude:
- la magnitude des séismes, c'est la loi de Gutemberg-Richter:

- la fréquence des mots dans un texte: c'est la loi de Zipf:

- les dimensions des fleuves, des lacs ou des montagnes et de manière générale tout ce qui a trait à la topologie des paysages. C'est d'ailleurs pas très surprenant dans la mesure où la côte Bretonne est LA figure fractale par excellence: son aspect déchiqueté est similaire quelque soit l'échelle à laquelle on l'observe.
Graphique à partir des statistiques disponibles pour les lacs d'Europe.
La très belle corrélation linéaire entre logarithmes équivant à une loi de puissance puisque:
Log(surface)=-1,2Log(rang)+4,67 revient à S=47000r-1,2.
En supposant les lacs circulaires, leur largeur vaut donc L=122r-0,6


Le petit conte des Lacs
Mais n'allez pas croire qu'un tel déterminisme aide en quoique ce soit à prévoir la taille des phénomènes extrêmes. La statistique sur les lacs a inspiré un joli conte sur ce sujet à Mandelbrot, le pape des fractales (3). L'histoire se passe dans une contrée brumeuse à la conquête de laquelle se lancent des explorateurs. Ce pays est jonché d'étendues d'eau, certaines immenses (on dit même qu'il y a un océan de
300 km de large, d'autres réduites à de simples lacs d'un kilomètre de largeur. Nos explorateurs n'ont pas de carte, mais sont des bêtes de statistiques (ou alors ils ont lu le Webinet). Ils savent donc que les lacs font en moyenne 2,5km et que le lac numéro r est large de 122 r-0.6

Une fois qu'on s'engage en bateau sur un lac, le brouillard empêche de distinguer l'autre rive si celle-ci est à plus d'un kilomètre. L'équipage en est alors réduit à spéculer sur la probabilité d'arriver prochainement. Si, au bout de cinq kilomètres on n'a toujours pas vu la rive opposée, les calculs indiquent qu'il reste en moyenne cinq autres kilomètres à couvrir. S'il ne voit toujours rien au bout de dix kilomètres, il lui faut s'apprêter à en parcourir dix de plus.
"Le fait même d'avoir couvert quelques kilomètres sans rien rencontrer fait taire tout espoir d'être tombé sur un petit lac et augmente celui d'être tombé sur un lac moyen ou grand, et augmente même le risque terrifiant de s'être engagé sans le savoir sur un Océan."

[Pour les algébristes seulement: on peut démontrer cette propriété bizarre d'un accroissement géométrique de l'espérance à mesure qu'on s'éloigne du bord:
Si p(L≥x)=x (c'est l'hypothèse de départ, souvenez-vous) la probabilité conditionnelle p(L≥x) sachant que L≥h s'écrit :
p(L≥x
/ L≥h) = p(L≥x)/p(L≥h) = (x/h)
Si l'on fixe h (5km par exemple), la densité de probabilité vaut
p(x / x≥h)= αhα x-α-1 (c'est la dérivée de la fonction de répartition qu'on vient d'écrire)
et l'espérance E(x / x≥h) est l'intégrale entre h et +∞ de l'expression: αhα x-α-1xdx
Le calcul donne
E(x / x≥h) = hα/(α-1) c'est-à-dire: E(x-h / x≥h)=h/(α-1)
Cette équation barbare se lit de la façon suivante: la distance restant à parcourir quand on a déjà parcouru une distance h est proportionnelle à cette distance h [avec un facteur 1/(α-1) ]

Dans le monde des fractales, tout se joue donc au départ. Si un projet planifié sur un an au total, met initialement deux mois au lieu d'un seul pour passer son premier jalon, ce n'est pas un mois de retard qu'il risque d'avoir à l'arrivée, mais un an! Du côté des bonnes nouvelles, si le jour de sa sortie en salle un film fait cinq fois plus d'entrées qu'un autre, il a de bonnes chances d'avoir cinq fois plus de succès globalement. C'est sans doute la raison pour laquelle Apple concentre autant d'efforts promotionnels au lancement de son iPad, même s'il est certain du succès de celui-ci.

Principe d'incertitude en version macroscopique
Sauf que... le conte de Mandelbrot nous indique aussi qu'on est toujours certain d'être surpris, paradoxe qui ne manque pas de saveur:
"Et puis tout d'un coup, les arbres émergent de la Brume, et on arrive au but. "Haro sur le mauvais faiseur de prévision!" Se moque-t-il de nous, ou commet-il une faute de calcul? Le premier voyageur (bien sûr) l'avait cru, mais il dut se rendre à l'évidence mathématique. C'est curieux, mais c'est ainsi: pendant que l'explorateur abat du travail, la valeur probable de la tâche restante s'allonge à mesure. L'on s'exclame, l'on s'étonne, et les vétérans expliquent patiemment qu'il ne s'ensuit en aucune façon que l'autre rive du lac soit un mirage. Elle existe bel et bien, et les esprits fantasques des Brumes, non seulement finissent toujours par s'attendrir, mais en général s'attendrissent fort rapidement(...) L'autre rivage apparaît juste au moment où rationnellement il paraissait plus éloigné que jamais. Dès lors toutes sortes de clichés s'appliquent de la façon la plus textuelle. Il ne faut pas lâcher pendant le dernier quart d'heure..."

Bref, si les extrapolations gaussiennes sont hors de propos, les prédictions de la statistique fractale ne parviennent pas à faire beaucoup mieux. Elles ne parviennent qu'à nous montrer à quel point tous nos efforts de prédictions sont vains dans beaucoup de domaine. Ce principe d'une "inévitable surprise" -analogue à l'indétermination quantique?- est finalement la seule certitude positive qu'il nous reste. Remarquez, je trouve ça déjà pas mal d'être certain par avance que la nature nous réserve beaucoup d'autres sujets d'étonnement.

Sources:

[1] Nassim Nicholas Taleb, Le Cygne Noir (2007): un excellent bouquin que je vous recommande, même si Taleb a manifestement des comptes à régler avec les économistes!
(2) ...jusqu'à un certain point, mais le problème est qu'on ne sait jamais lequel.
(3) Benoît Mandelbrot, Fractales, hasard et finance (1997). J'ai changé les données du conte original car elles ne collent pas avec mes propres statistiques (tirées de Wikipedia sur les lacs d'Europe) et en plus il me semble qu'elles sont incohérentes (la loi T=100/racine(r) de Mandelbrot ne colle pas avec la taille moyenne de 5km qu'il indique dans son livre).

Billets connexes
Logarithmes: again! Sur la loi de Benton et autres curiosités sur les répartitions logarithmique
La Reine, le Fou et l'Arbre illustre la fractalité des évolutions biologiques et technologiques.

lundi 24 mai 2010

Arnaque à 32 000 timbres

(Petit interlude en attendant le prochain billet qui s'avère plus ardu à écrire que prévu)

Début janvier, vous recevez une lettre anonyme qui pronostique que la Bourse va grimper ce mois-ci. L’information s’avère juste, mais vous n’y faites pas attention. Début février, vous recevez une seconde lettre qui vous annonce cette fois que les cours vont baisser. Vous n'y prêtez toujours pas attention, mais l'information est de nouveau juste. Début mars, une troisième lettre fait de nouveau un pronostic correct et ainsi de suite chaque mois. Vous finissez par être intrigué par la clairvoyance de ce mystérieux correspondant.

En juillet vous recevez une lettre qui cette fois vous propose d’investir dans des fonds spéciaux off-shore. Mis en confiance par sa géniale intuition durant les six mois précédents, vous lui confiez une bonne part de vos économies... et vous n'en revoyez plus jamais la couleur. Vous allez alors pleurer sur l'épaule de votre voisin, qui se souvient alors d’avoir reçu lui aussi reçu deux de ces lettres mystérieuses en début d'année. Sauf que pour lui la première prédiction était juste mais pas la seconde et les envois ont ensuite cessé. Que s'est-il donc passé?

Voici comment l’imposteur a procédé. En décembre il a d'abord tiré au hasard 32 000 noms dans l’annuaire. A la moitié de cette population il a envoyé une lettre prédisant la hausse de la bourse et à l'autre moitié une autre lettre prédisant l'inverse. A la fin du mois, il n'a gardé que la liste des 16 000 personnes ayant reçu la prédiction correcte et il a recommencé le même précédé: aux 8000 premiers il a envoyé une prédiction haussière et aux 8000 autres la prédiction inverse.
Ainsi de suite chaque mois jusqu'en juillet où il lui est resté une sélection de 500 personnes ayant reçu six prédictions correctes d'affilée, donc mûres à point pour se laisser tenter par sa proposition alléchante de placement.

Avec quelques milliers de dollars investis en timbres (ou en emails, c'est moins cher) l'arnaque a rapporté des millions à l'imposteur...

Sources:
Cette idée est tirée du livre de Nassim Nicholas Taleb, Le hasard sauvage (2005)

jeudi 13 mai 2010

Latéralités animales

Le New Scientist a publié un très bon article récemment sur l'origine de la latéralité chez les animaux (hommes compris). C'est vrai ça: pourquoi l'homme est-il majoritairement droitier alors que nous sommes extérieurement parfaitement symétriques? Pourquoi l'antenne droite des abeilles est-elle plus sensible que la gauche? Petit tour non exhaustif de la question, histoire surtout de découvrir des trucs rigolos chez nos z'amies les bêtes...

D'abord les hypothèses farfelues sur l'avantage sélectif direct

J'aime bien ces histoires absolument invérifiables qu'on invente pour coller à la théorie darwinienne. La plus jolie est celle de Lee Salk qui constata dans les années 1960 que les bébés se calment lorsqu'ils entendent les battements du cœur de leur mère. Pour cette raison, Maman Homo Sapiens porte son rejeton sur son sein gauche depuis l'aube de l'humanité, et à force, la sélection naturelle a progressivement éliminé les femmes qui ne savent pas utiliser leur bras droit resté libre...
Et les hommes me direz-vous? Facile: ceux qui se battent contre des grands fauves en utilisant leur main droite éloignent davantage leur cœur des attaques meurtrières et ont donc été favorisés par la sélection naturelle, voilà tout!

Plus raffinées: les hypothèses mécaniques

Le narval a longtemps été une énigme car sa grande défense spiralée est en fait sa dent gauche hypertrophée (
source des photos: ici et ). Pourquoi la dent gauche, et pas la droite? La seule explication que je connaisse est celle qu'en donne D'Arcy Thompson[3]. D'après lui "chacun des puissants coups de queue de l'animal ne le propulse pas seulement vers l'avant, mais lui imprime en plus une torsion qui le fait brutalement pivoter sur le côté; (...) A la base de [sa corne], qui est assez fragile, le "couple" qui impose à la corne de suivre le mouvement de torsion du corps agit avec toute son efficacité." Ainsi durant toute la durée de sa croissance, "la lente rotation de la corne corrige toute tendance à subir une courbure ou une flexion dans l'une ou l'autre direction." Comme il conclut joliment, ce n'est pas la corne qui pivote en synchronisation avec le reste du corps, mais "l'animal, pour ainsi dire, tourne lentement, très lentement, et petit à petit autour de sa propre corne!". Si le narval vous intéresse, sachez qu'on a enfin découvert l'utilité d'un appendice aussi encombrant. Contrairement à ce que l'on croyait, ce n'est pas (seulement) pour permettre aux mâles de faire des duels pour les beaux yeux de leur belle. Cette dent leur servirait simplement comme antenne, extrêmement sensible grâce à son anatomie étrange (avec la pulpe sensible à l'extérieur pour ainsi dire). De la mesure en dent réel en quelque sorte!

Evidemment, l'explication n'est que partielle: si la rotation du corps du Narval est toujours orientée dans le même sens, c'est que l'anatomie du corps de l'animal
est globalement asymétrique. Sur cette fascinante question à la frontière entre physique et génétique je vous renvoie aux deux très bons billets de Tom Roud (ici et ). On doit trouver le même genre d'explication à la circumnutation des plantes grimpantes (le sens de l'hélice suivant laquelle elles poussent). Et si vous n'arrivez pas à caser ce gros mot dans un dîner en ville, essayez plutôt Shakespeare: "Ainsi le liseron (qui pousse selon une hélice droite, NDLA) et le chèvrefeuille embaumé (hélice gauche, NDLA) s'entrelacent doucement" (Songe d'une Nuit d'Eté, Acte IV, scèneI).

L'hypothèse de la coordination des mouvements collectifs
Les comportements asymétriques collectifs sont plus simples à comprendre. Par exemple les chauve-souris de l'espèce Molosse, au Nouveau Mexique sortent par milliers de leur grotte en décrivant
une ellipse qui tourne systématiquement dans le sens des aiguilles d'une montre [1]. Vu leur densité et leur vitesse d'envol, cette convention semble une question de sécurité publique. Imaginez la catastrophe aérienne si certaines bestioles tournaient en sens inverse! On a comparé ce niveau de coordination chez 16 espèces de poissons différentes mis face à une simulation de prédateur. Comme on pouvait s'y attendre les espèces grégaires fuient la plupart du temps d'un seul côté alors que les espèces moins grégaires s'éparpillent plus souvent de tous les côtés. Allez savoir, c'est peut-être grâce à ce mécanisme que l'on se fait la bise en commençant toujours du même côté?

On peut extrapoler cette explication aux réflexes des prédateurs chassant en groupe -une meilleure coordination les aidera à coordonner leurs attaques. Un peu de théorie des jeux pourrait même expliquer pourquoi on trouve toujours une petite minorité "déviante" dans ces populations, bénéficiant de l'effet de surprise chez l'ennemi. A condition bien sûr que ces comportements atypiques restent marginaux pour ne pas perturber la cohérence du groupe. Dans nos propres sociétés, cet "avantage aux gauchers" est particulièrement flagrant dans de nombreux sports individuels (tennis, boxe, escrime...).

Tous les poissons plats ont bien compris qu'il valait mieux pour chaque espèce qu'elle soit toujours orientée dans le même sens. C'est la raison pour laquelle durant la métamorphose de l'alevin (qui lui, est symétrique) c'est toujours le même œil qui migre sur le flanc opposé. Les turbots se retrouvent sur le flanc gauche, la plie et la sole sur le flanc droit et tout va bien (sources des photos: ici).

Il y a un poisson d'eau douce qui n'a pas bien compris cette règle d'or, c'est l'anableps. Il n'est pas plat, mais on ne peut pas non plus dire qu'il ait été gâté par la nature celui-là. Il a même franchement l'air un peu monstrueux, avec ses yeux bizarres qui lui permettent de voir à la fois au-dessus et au dessous de la surface de l'eau. Bref, dans cette drôle d'espèce les femelles ont en eu la mauvaise idée d'avoir leur conduit génital orienté tantôt à gauche, tantôt à droite et les mâles pareil avec leur zizi. Un vrai casse-tête sexuel car un mâle droitier ne peut s'accoupler qu'avec une femelle droitière! Qui a dit que la Nature était bien faite?

L'anableps en pleine action (photos de aquarticles.com où tout est bien expliqué pour les anableps n'ayant pas compris le BA-ba du Kamasutra)

Quatrième hypothèse: la latéralisation du corps reflète celle du cerveau
Indépendamment de ces fous d'anableps, l'hypothèse d'une coordination collective n'explique pas tout. Pourquoi constate-t-on si souvent une latéralité (droite ou gauche) privilégiée pour certaines facultés? Pour ce qui concerne notre "dextritude" humaine il semble qu'il faille chercher du côté gauche de notre cerveau gauche, là où réside la plupart de nos capacités pour le langage. Or l'hémisphère gauche de notre cerveau contrôle la moitié droite de notre corps ergo nous sommes souvent droitiers. Le cerveau gauche des autres vertébrés est beaucoup moins intéressé par les nourritures spirituelles que par la nourriture tout court! Des animaux aussi divers que les poissons, des crapauds, des oiseaux ou des baleines attaquent leurs proies plutôt par la droite.


OK me direz-vous, mais ça ne répond pas à la question: à quoi sert cette spécialisation cervicale? Je n'ai pas trouvé d'explication complètement convaincante sur le sujet, mais un faisceau d'indices laisse penser qu'un cerveau asymétrique est plus efficace pour certaines tâches. Les perroquets sont un bon sujet d'étude car ils sont parfois latéralisés et parfois ambidextres. En leur demandant d'effectuer des tâches compliquées (comme remonter une friandise pendouillant au bout d'une ficelle, en s'aidant astucieusement de leur bec et de leurs pattes), on a vérifié que les perroquets latéralisés s'en sortent beaucoup mieux que leurs collègues ambidextres.

Chez l'homme certaines facultés rares -comme l'oreille absolue- coïncident selon B. Lechevalier, avec "une asymétrie plus grande de la surface des planums temporaux au bénéfice du côté gauche. Une telle asymétrie existe chez tous les sujets, mais elle est plus marquée chez les détenteurs de l'oreille absolue" [2]. A l'inverse, l'imagerie médicale confirme que des troubles comme la dyslexie pourraient être liés à une insuffisante asymétrie entre nos deux cerveaux droit et gauche. De quoi vous consoler de n'être pas ambidextre comme Léonard de Vinci...

Quatrième Cinquième hypothèse: la latéralisation (du cerveau) permet de faire deux choses en même temps
Et oui, vous aussi pouvez vous concentrer sur deux choses simultanément! Mais pas plus de deux, comme viennent de le montrer Etienne Koechlin et Sylvain Charron, neurologues à l'INSERM dans le dernier numéro de Science. Ils ont découvert que pour y parvenir chacune des tâches est prise en charge par un hémisphère différent:

© Etienne Koechlin. Quand une personne poursuit deux buts (Goal) en même temps, associés à deux actions (Action), les deux lobes frontaux s'activent simultanément. Chaque lobe frontal traite l'une des deux actions mais jamais les deux à la fois. Les régions préfrontales (en orange), situées juste derrière le front, assurent la coordination, en se chargeant du traitement d'un but pendant que l'autre est suspendu. Cette structure duale de l'hémisphère cérébral explique qu'un être humain n'est pas capable de gérer simultanément plus de deux tâches. Source: Pour la Science.

Dans ces conditions, il semble raisonnable que des fonctions cérébrales complémentaires -comme l'alerte et la recherche de nourriture- soient logées dans des hémisphères différents: cette configuration permet de repérer sa pitance tout en restant aux aguets! La latéralisation est encore plus avantageuse chez les oiseaux et les poissons dont les yeux -situés de chaque côté de la tête- correspondent à des champs visuels et cervicaux différents. C'est exactement ce qui se passe pour le poussin, qui localise sa nourriture avec l'œil droit et guette le danger de l'œil gauche. Un candidat idéal pour tester si la théorie tient debout! D'autant qu'on a découvert que pour perturber cette latéralité il suffisait de maintenir l'œuf dans l'obscurité totale durant la durée de la couvée.

Des chercheurs ont donc comparé les comportements des deux types de poussins (avec ou sans latéralité) lorsqu'on leur présentait à la fois des graines et l'ombre inquiétante d'un (faux,
on n'est pas des bêtes) oiseau de proie au dessus de leur tête. Les poussins couvés à la lumière du jour s'en sortent sans problème: ils zieutent les graines avec l'œil droit et ils surveillent l'ombre du prédateur avec l'œil gauche. Par contre les poussins n'ayant pas de latéralité cervicale manifestent un comportement beaucoup plus instable, changent fréquemment d'œil pour l'une ou l'autre tâche et arrivent finalement beaucoup moins bien à trouver les graines et à localiser l'ombre menaçante. Il semble donc bien que la latéralité cérébrale permet d'être plus efficace quand on fait deux choses à la fois...

Bon à qui revient la palme de la bizarrerie? J'aurais bien voté pour un petit champignon appelé laboulbenia qui ne pousserait que sur la patte arrière gauche de certains insectes et arthropodes. Mais en dehors du livre de Martin Gartner [1] et de ce site, je n'ai pas vraiment trouvé de source qui parle de ce phénomène. Alors par défaut, je propose le titre à nos amis les chats, qui d'après la vidéo du Newscientist ci-dessous, utiliseraient plutôt leur patte gauche quand c'est un mâle qui essaie d'attraper une proie et plutôt leur patte droite quand c'est une minette.
Encore que, après de longues heures de test, le conseil de famille Xochipillesque vient de rendre son verdict: Xochiminouche est ambidextre (et pas très très futée d'ailleurs...).


PS. Xochiminouche a une excuse puisque la vidéo du New Scientist montre exactement l'inverse du texte: des éléphants gauchers et des poussins qui picorent sur la gauche!

Sources:

[1] Martin Gartner, L'univers ambidextre (1985) p80 à 87
[2] Bernard Lechevalier, Le cerveau mélomane de Baudelaire, 2010 p29
[3] D'Arcy Thompson, Forme et Croissance (1961) p222
L'article du NewScientist, Southpaws, the evolution of handedness (2010)

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Bancs et nuées sur les mouvements collectifs
Jeu de réflexion et Miroir, ô mon beau miroir sur notre perception des symétries en général

jeudi 6 mai 2010

Tête encore

Je ne voudrais pas que le billet précédent laisse penser qu'il n'y a que nos états d'âme qui soient des "états du corps": notre intelligence toute entière semble pétrie par nos réactions corporelles. Que ce soit pour comprendre des émotions, pour mémoriser ou pour faire des choix rationnels, aucune capacité cognitive ne parvient à échapper complètement à la dictature du corps...

Notre visage, une oreille des émotions?
Qui lit l'émotion sur mon visage: les autres? Oui, mais moi aussi! Il semble que l'on se serve de son propre visage pour capter l'émotion des situations. On a par exemple demandé à des volontaires de lire et d'évaluer le contenu émotionnel de petits textes, soit en les forçant à sourire -un stylo serré entre les dents- soit au contraire en les empêchant de sourire -un stylo serré du bout des lèvres. L'expérience a montré que ceux qu'on forçait à sourire lisaient et évaluaient les phrases concernant des choses agréables plus rapidement que ceux qu'on empêchait de sourire ; et vice-versa pour les phrases décrivant des situations désagréables.

Même phénomène devant un visage exprimant une émotion. Un peu sur le même principe que les neurones-miroirs (dont on avait parlé ici) imiter inconsciemment les mimiques de son interlocuteur facilite l'empathie. Une expérimentation très similaire à la précédente a montré que le blocage de ce réflexe mimétique -en serrant un crayon entre ses dents ou en mâchant du chewing-gum- diminuait sensiblement la sensibilité des participants à certaines expressions de leur interlocuteur, notamment celle de la joie qui mobilise le plus de muscles du visage.

C'est vrai que mâchonner ne donne pas un air particulièrement empathique, mais les chercheurs se sont plus intéressés au botox qu'au malabar. Car le principe du botox est justement de bloquer les muscles responsables des rides du front. Dans une étude qui vient de paraître, ils ont comparé le temps de lecture chez des volontaires, avant et après injection de botox. Bingo! Les personnes venant de se faire botoxer lisent plus lentement des phrases tristes -phrases qui en temps normal provoquent précisément un léger réflexe de froncement du front. On n'a pas observé ce ralentissement pour des phrases neutres ou gaies. Ce résultat semble donc cohérent avec l'hypothèse qu'une immobilisation des muscles du front ralentit légèrement (quelques millisecondes, n'exagérons rien) la compréhension émotionnelle des phrases tristes.

Intéressant en théorie, mais évidemment pas de quoi titrer à la une des journaux que le botox rendrait antisocial.
On n'a jamais entendu qui que ce soit se plaindre d'asocialité parmi les millions de personnes botoxées chaque année car l'effet est très faible et probablement très temporaire. Notre corps a mille et une ressources pour compenser rapidement ce petit handicap. Songez aux victimes du syndrome de Moebius, affligés d'une immobilité quasiment complète du visage: ces malheureux éprouvent bien entendu des émotions comme tout le monde (photo du NYT).

Notre visage émotionnel: un aide-mémoire

Si l'on vous demande de vous souvenir d'un événement de votre jeunesse, à coup sûr vous allez vous rappeler quelque chose de "marquant" émotionnellement, en positif ou en négatif. L'émotion est un catalyseur bien connu de la mémoire à long terme: plus une scène nous émeut, plus son souvenir risque d'être durable. On s'attend logiquement à ce que réfréner l'expressivité du visage nuise à la mémorisation de la scène.
C'est ce qu'ont essayé de vérifier des chercheurs de Stanford dans une expérience faite en 2000: des volontaires regardaient un film contenant des scènes dramatiques et certains d'entre eux avaient pour consigne de maîtriser l'expression de leur visage de façon à ne laisser transparaître aucune de leurs émotions. A la fin du film, ces participants se souvenaient de beaucoup moins de détails que les autres:

Cette influence de l'émotion et du corps sur la mémorisation explique pourquoi le jeu, l'invention et la diversité des méthodes pédagogiques facilitent l'assimilation. Une évidence sur laquelle l'Education Nationale devrait d'ailleurs réfléchir... On retient mille fois mieux un enseignement quand il s'accompagne d'une expérience émotionnellement marquante. C'est exactement le principe pédagogique qu'adopte Sam Calavitta, un prof de math américain hallucinant qui n'hésite pas à utiliser du pain de mie, du fromage et du salami pour se faire comprendre par ses élèves. Il cherche en permanence des mises en scène de ses cours pour frapper les esprits et les aider à mémoriser ce qu'il essaie de transmettre:



Les émotions pour décider
Notre capacité de raisonner "froidement" échapperait-elle à l'influence de nos états corporels? Même pas: la décision de "sang-froid" serait une chimère, si l'on en croit Antonio Damasio. Il raconte par exemple[1] l'histoire d'un de ses patients, Elliot, qui a la suite d'une opération cérébrale avait perdu toute capacité d'organisation dans sa vie: il ne parvenait pas à plannifier son temps, à prendre des décisions, à changer de tâches. Pourtant Elliot réussissait tous les tests psychologiques, à l'exception de ceux qui évaluaient sa sensibilité émotionnelle. Il ne ressentait plus d'émotion, même à la vue d'images fortes comme un accident de voiture. Or en l'absence d'émotion, Elliot arrivait à raisonner abstraitement mais ne parvenait plus à évaluer les situations concrètes et à prendre des décisions adaptées. Damasio en a conclu que l'émotion met du relief dans nos perceptions et nous permet de choisir plus facilement parmi les possibilités qui s'offrent à nous, même (et surtout) quand elles sont équivalentes. Une capacité qui nous évite de finir comme l'âne de Buridan, mort de faim et de soif à force d'hésiter entre son picotin d'avoine et son seau d'eau. Le défaut d'émotion serait au moins aussi préjudiciable à la rationnalité concrète que l'émotion excessive...

Emotion: une histoire de décalage
Cette influence de l'émotion sur notre intellect est peut-être moins surprenante qu'il n'y paraît au premier abord. Car finalement à quoi sert une émotion? Darwin défendait la thèse selon laquelle l'émotion était un réflexe permettant au corps de réagir de façon appropriée à une situation inattendu. En augmentant le rythme cardiaque elle prépare à la fuite, en libérant de l'adrénaline elle prépare à l'attaque etc. A petite dose, bien sûr, car trop d'émotion paralyse.
Mais l'émotion a une autre fonction un peu moins évidente: celle de signaler corporellement un événement inattendu, d'attirer notre attention pour modifier notre comportement routinier. La meilleure illustration de ce phénomène est ce que la police appelle le "Weapon effect" (l'effet revolver): lors des agressions dans des lieux publics, on a remarqué que les témoins focalisent tous leurs souvenirs sur l'arme de l'agresseur et sont souvent incapables de donner d'autres détails de la scène. Comme si -sous le coup de l'émotion- leur attention avait été entièrement absorbée sur l'objet qui les avait traumatisés.

A la base de chaque émotion, il y aurait donc toujours un certain décalage entre nos attentes et la situation réelle, une tension entre son état intérieur et une réalité? Ma Xochipillette trouve ça évident; moi ça me trouble d'autant plus que ce serait complètement cohérent avec ce que j'avais remarqué sur les causes du rire et de l'humour (dans ce billet) ou de l'émotion musicale (ici). On pleure aussi sous l'effet d'une tension entre ses attentes et ce qu'on vit: la scène la plus lacrymogène de La Rafle est celle où l'infirmière retrouve une poupée oubliée par un enfant au moment de sa déportation. L'émotion provient du contraste entre le bonheur insouciant associé à ce jouet et le destin tragique de l'enfant.

Et vous qu'en pensez-vous?

Sources:

[1] Antonio Damasio, L'erreur de Descartes. La raison des émotions (1995)
[2] Nathalie Blanc, Emotion et cognition (2006)
Ce billet de l'excellent blog Neurophilosophy sur le botox

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